La thèse Nicolas Fouquet

Les documents officiels

Avant d’aborder cette thèse, je propose d’établir un portrait-robot du Masque de fer à partir d’une série de documents. Nous confronterons les informations fournies par la correspondance officielle, c’est-à-dire principalement les échanges de lettres de Louvois et de Saint-Mars avec d’autres informations, celles que nous apportent les récits et témoignages des contemporains du Masque de fer. La synthèse de ces deux sources de données devrait nous permettre d’élaborer un portrait-robot du Masque de fer.

    • Le 1er document : lettre de Saint-Mars à Louvois du 20 janvier 1687

« La plus sûre voiture serait une chaise couverte de toile cirée de manière que personne le pût voir ni lui parler pendant la route, pas même les soldats que je choisirai pour être proches de la chaise (…) On installera près de sa cellule une chapelle pour qu’il puisse entendre la messe sans être aperçu ».
(Source : Joseph Delort, L’homme au masque de fer, 1838, pages 283-284)

Commentaires : La chaise à porteur est un moyen de transport aristocratique, d’une part, et on respecte la ferveur religieuse du prisonnier tout en préservant son incognito, d’autre part.

    • Le 2e document : Lettres de Saint-Mars à Louvois, 23 mars 1687 et 3 mai 1687

– 23 mars 1687 : « Je vous promets de conduire ici mon prisonnier sans que personne ne le voie ni ne lui puisse parler (…) Je ne lui ferai point entendre la messe depuis son départ d’Exilles jusqu’à ce qu’il soit logé dans la prison où il y aura joignant une chapelle Je vous réponds sur mon honneur de sa sûreté entière ».
(Source : Archives de l’Armée de Terre, v 792, p.16)

– 3 mai 1687 : « Je puis vous assurer, Monseigneur, que personne au monde ne l’a vu ».
(Source : Roux-Fazillac, Recherches historiques et critiques sur l’homme au masque de fer, [1800], p.116)

Commentaires : Le prisonnier ne devait pas être vu, il aurait donc pu être reconnu. Il pourra entendre la messe depuis sa chambre.

    • Le 3ème document : le 4 septembre 1687, un témoignage de l’évêque d’Agde

« M. de Saint-Mars a transporté un prisonnier d’État de Pignerol aux Iles Sainte-Marguerite. (…) Personne ne sait qui il est. (…) Il était enfermé dans une chaise à porteurs ayant un Masque d’acier sur le visage. (…) Tout ce qu’on a pu savoir de Saint-Mars et que son prisonnier était depuis de longues années à Pignerol et qu’il y a des gens que le public croit mort et qui ne le sont pas. »

(Source : Louis Fouquet, Nouvelles Ecclésiastiques du 4 septembre 1687 ; Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris. (Réf. M.1427, folio 396))

    • Le 4ème document : lettre de Saint-Mars à Louvois de janvier 1688 :

« J’ai mis le prisonnier dans l’une des deux nouvelles prisons que j’ai fait faire suivant vos ordres. Elles sont grandes, belles et claires, et pour leur bonté je ne crois pas qu’il y en ait de plus fortes et de plus assurées dans l’Europe. »

(Source : Champollion-Figeac, Documents historiques inédits, Paris, 1847, Tome3, p.645)

Commentaires : À elle seule, cette lettre réfute le concept d’une comédie.

Ces quatre documents témoignent de ce qui s’est passé sur l’île au moment de l’arrivée de Saint-Mars. On peut les compléter par d’autres documents plus tardifs.

    • Le 5ème document : L’historien français De Saint-Foix :

« Mme de Saint-Mars faisait envoyer depuis Paris sur l’île Sainte-Marguerite « le linge le plus fin et les plus belles dentelles […] pour ce prisonnier. » »

(Sources : De Saint-Foix, Essais Historiques, de 1777 Essais Historiques, vol. 5, 1777)

    • Le 6ème document : L’abbé et historien Jean-Pierre Papon

« 2 février 1778 : Je trouvai dans la citadelle un officier de la compagnie franche âgé de 79 ans ; il me dit que son père, qui servit dans la même compagnie, lui avait plusieurs fois raconté qu’un frater – c’est-à-dire un barbier – aperçut un jour sous la fenêtre du prisonnier quelque chose de blanc qui flottait sur l’eau. Il l’alla prendre et l’apporté à M. de Saint-Mars. C’était une chemise très fine, sur laquelle le prisonnier avait écrit d’un bout à l’autre. M. de Saint-Mars après l’avoir dépliée et lu quelques lignes, demanda au frater, d’un air embarrassé, s’il n’avait pas eu la curiosité de lire le contenu. Celui protesta qu’il n’avait rien lu ; mais deux jours après, il fut trouvé mort dans son lit.

Le suivant me paraît également certain d’après les témoignages que j’ai recueillis sur les lieux et dans le monastère de Lérins, où la tradition s’en est conservée.

On cherchait une personne pour servir le prisonnier ; une femme du village de Mougins vint s’offrir mais quand on lui eut dit qu’il fallait renoncer à conserver aucune liaison avec le reste des hommes, elle refusa de s’enfermer avec un prisonnier dont la connaissance coûtait si cher.

Le père de l’officier, qui était pour certaines choses l’homme de confiance de Saint-Mars, a souvent dit à son fils qu’il avait été prendre le mort à l’heure de minuit dans la prison et qu’il l’avait porté sur ses épaules dans le lieu de la sépulture. »

(Source : Jean-Pierre Papon, Histoire de la Provence, tome 4, 1780)

Commentaires : Jean-Pierre Papon apporte un éclairage intéressant sur le peu de scrupules que l’on avait pour éliminer les gens de peu d’importance qui en savaient trop. La recherche d’une servante confirme la raison d’être de la cellule voisine de la sienne, cellule encore dénommée « cellule du valet ».

    • Le 7ème document : témoignage du successeur de Saint-Mars recueilli par le poète dramatique Lagrange-Chancel, emprisonné en 1719 sur l’île Sainte-Marguerite

« Saint-Mars avait de grands égards pour ce prisonnier, qu’il servait toujours lui-même en vaisselle d’argent, et lui fournissait souvent des habits aussi riches qu’il pouvait désirer. »

(Source : Lagrange-Chancel, Lettre à M. Fréron, Année littéraire, 1768)

    • Le 8ème document : lettre de l’abbé Dubos à Voltaire, le 3 décembre 1738

« Si vous pouvez persuader le public que le prisonnier de Sainte-Marguerite était un valet, faites-le, mais si vos preuves ne sont pas persuasives, ne démasquez point cet homme. Ce que j’ai entendu dire sur son état ne doit pas être confié sur papier. »

(Source : Théophile Bestermann, Œuvres complètes de Voltaire, t89, 1738, vol5, Lettres)

Commentaires : L’abbé Dubos est un proche du pouvoir royal. Voltaire est l’homme qui révéla l’existence du prisonnier masqué à toute l’Europe dans son livre, le Siècle de Louis XIV. On retrouve ici l’alternative valet/grand personnage. L’abbé Dubos incite Voltaire à choisir celle du valet, inspirée de la lettre de Louvois du 8 avril 1680, l’autre alternative évoquant quelqu’un de trop important pour qu’il soit souhaitable de le démasquer.

    • Le 9ème document : œuvres historiques de Voltaire

– « M. de Chamillart fut le dernier ministre qui eut cet étrange secret ».

(Source : Voltaire, Siècle de Louis XIV, 1752)

– « M. de Chamillart disait quelquefois pour se débarrasser des questions pressantes du dernier maréchal de la Feuillade et du duc de Caumartin que c’était un homme qui avait tous les secrets de M. Fouquet. Il avouait donc par là que cet inconnu avait été enlevé quelque temps après la mort de Mazarin. Or pourquoi des précautions si inouïes pour un confident de M. Fouquet, pour un subalterne. »

(Source : Voltaire, Supplément au siècle de Louis XIV, Dresde, 1753)

Commentaires : Les ministres qui connurent le secret furent, après Louvois : Barbezieux (fils de Louvois) et Chamillart. Voltaire a confiance en ses sources, elles émanent de son ami, le gendre de M. de Chamillart, le duc de la Feuillade, dont il fut à plusieurs reprises l’invité dans son château du Bruel.

Le portrait-robot du Masque de fer

Nous disposons de suffisamment d’indices pour dresser un portait robot de l’homme derrière le Masque. Huit conduisent à un premier constat :

  • C’est un ancien prisonnier de Pignerol ;
  • Il est de grande importance ;
  • Il est transporté dans une chaise à porteurs ;
  • On le traite avec respect ;
  • On fait venir des linges fins de Paris pour lui ;
  • Il possède une vaisselle en argent ;
  • Sa prison est grande et belle ;
  • On lui cherche un valet ;

Les cinq points suivants affinent son portrait :

  • Son nom est connu du public ;
  • Le public le croit mort ;
  • Il a été arrêté peu après la mort de Mazarin ;
  • Il connaît tous les secrets de Fouquet ;
  • Ce n’est pas un subalterne de Fouquet ;

Quel prisonnier de Pignerol répond à tous ces critères ? L’un des plus grands personnages de son époque : Fouquet et lui seul. Il faut se rendre à l’évidence, le Masque de fer est l’ancien Surintendant de Louis XIV.

Mais il y a un problème de taille : le Masque de fer entre dans la légende en 1687… et Fouquet est mort en 1680 !

La mort de Fouquet

1) La position officielle

Lorsqu’on recherche Nicolas Fouquet dans un dictionnaire, on lit généralement : « Homme d’État français, Paris 1615 – Pignerol 1680 ». Une exception dans mon Robert : Dictionnaire Universel des noms propres de 1974 : « Homme politique français (Paris 1615- Pignerol 1680 ?) Les circonstances de sa mort sont restées obscures. »

Que pensent les historiens de cette mort ? Ils reconnaissent que ses circonstances sont des plus mystérieuses, mais ils ne la mettent pas en cause. Leur conviction s’appuie sur la lettre de Louvois du 8 avril 1680. C’est un document authentique, donc irréfutable.

« L’avis de décès envoyé par Saint-Mars à Louvois, écrit Etienne Huyard, nous paraît le document le plus sûr ! » Quand on sait que ledit avis de décès n’a jamais été retrouvé, il m’a semblé déconcertant de le considérer comme tel.

Pour Maurice Duvivier aussi, le seul document fiable est cette lettre disparue de Saint-Mars :

« Aucun acte officiel n’a constaté, semble-t-il, la fin du Surintendant. Le seul document qui en précise la date est la dépêche que Saint-Mars envoya le 23 mars 1680 et qui, étant donnée la ponctualité du personnage, doit avoir été écrite le jour même du décès (…) Une conclusion est certaine : mort subite. On peut ajouter inattendue. La minutieuse correspondance du donjon ne signale aucune indisposition du prisonnier durant la fin de sa vie. » (Le Masque de fer, 1932)

Jean-Christian Petitfils va plus loin :

« Aucun acte officiel ne vint constater le décès, aucune épitaphe laudative ne vint sceller sa sépulture. Ces silences gênants sont lourds de mystère. Où le Surintendant a-t-il rendu le dernier soupir ? Et dans quelles circonstances ? Où fut-il réellement inhumé ? »

(Source : Jean-Christian Petitfils, Fouquet, 2005)

2) Existe-t-il des preuves de la mort de Fouquet ?

Voici les documents officiels qui attestent de la mort de Fouquet en 1680 :

– La lettre de Louvois à Saint-Mars du 8 avril 1680 : « Le roi a appris par votre lettre du 23 du mois écoulé la mort de M. Fouquet ».

– Une autre lettre de Louvois du 8 avril 1680 dans laquelle il autorise le comte de Vaux à rapatrier le corps de son père.

– Une lettre de Louvois du 9 avril 1680 qui autorise Saint-Mars à remettre le corps de son prisonnier défunt « aux gens de la famille Fouquet ».

– Une note de frais couvrant « le paiement des médecins et chirurgiens qui ont traité le sieur Fouquet pendant l’année 1680 et pendant la maladie dont il est mort, les remèdes et des vêtements pour les funérailles du sieur Fouquet ».

– Enfin, la mention sur les registres mortuaires de l’Église de la Visitation à Paris : « Le 28 mars 1681, fut inhumé dans notre église messire Nicolas Fouquet ». Suit une énumération des charges et mérites du défunt.

Que faut-il penser de ces documents ? L’historien peut-il les considérer comme des preuves effectives de la mort de Fouquet à Pignerol en mars 1680 ?

Les trois lettres de Louvois et la note de frais mortuaires ont ceci de particulier que leur authenticité n’est confirmée par aucun courrier de Saint-Mars ou de la famille Fouquet. Autrement dit, elles ne répondent à aucun courrier connu et n’ont pas reçu de réponses connues.

Louvois peut donc les avoir confectionnées, en complément de sa lettre du 8 avril 1680, le seul document évoquant la mort de Fouquet.

Il ressort de ce qui précède que les seules soi-disant preuves de la mort de Fouquet à Pignerol sont des écrits de Louvois sujets à caution. La thèse Fouquet, dont le portrait-robot vient de souligner la pertinence, implique même que la lettre du 8 avril 1680 est mensongère et que la mort de Fouquet qu’elle évoque est une invention de Louvois.

3) Un document inédit : la lettre de Louvois du 12 mars 1680

J’en étais à ce stade de réflexion lorsque la découverte d’un document authentique, et jamais diffusé à ce jour, me confirma de façon décisive le caractère mensonger de la lettre du 8 avril 1680.

Convenons d’abord d’un postulat. Deux interprétations de cette lettre sont possibles et deux seules :

– Ou bien la mort de Fouquet est réelle et les deux hommes jetés aux oubliettes sont les valets Eustache Danger et La Rivière ;

– Ou bien la mort de Fouquet est fictive et les deux hommes jetés aux oubliettes sont Fouquet et l’un de ses valets ;

Cette dernière assertion impliquerait alors qu’un des deux valets de Fouquet, Danger ou La Rivière, aurait disparu avant le 8 avril 1680 (sinon, il n’y aurait eu non pas deux « Messieurs de la tour d’en bas », mais trois).

Il n’y a pas si longtemps, je me contentais de supposer qu’Eustache Danger était vraisemblablement celui des deux valets qui était mort. J’en ai acquis la certitude grâce à une lettre dont le public n’a jamais eu connaissance : la lettre de Louvois à Saint-Mars du 12 mars 1680.

J’ai été amené à chercher l’existence de ce document (et donc à le trouver), car la lettre du 8 avril 1680 comportait trop d’anomalies à mon sens. Une en particulier. Louvois a écrit :

« Le roi a appris la mort de M. Fouquet et le jugement que vous faites que M. de Lauzun sait la plupart des choses importantes dont M. Fouquet avait connaissance et que le nommé La Rivière ne les ignore pas. »

N’aurait-il pas dû écrire plutôt : « et que les nommés Danger et La Rivière ne les ignorent pas » ? Les deux valets ne se quittent pas depuis des années, ils ont assisté tous deux aux visites nocturnes de Lauzun. Pourquoi La Rivière est-il le seul à être soupçonné d’en savoir trop ?

En me posant cette question, je me suis rappelé que les correspondances révélaient que Danger avait été gravement malade quelque temps plus tôt et que (chose étonnante) Louvois avait prié Saint-Mars de lui donner des nouvelles de sa santé.

Lettre de Louvois à Saint-Mars du 19 septembre 1679
Lettre de Louvois à Saint-Mars du 19 septembre 1679

« Cependant je vous prie de me mander des nouvelles de la santé d’Eustache Danger »

J’ai alors fait une recherche aux Archives Nationales et, en cherchant une réponse de Saint-Mars à la demande du ministre, j’ai constaté qu’il lui avait écrit en février une lettre hélas perdue, mais à laquelle Louvois répond le 12 mars 1680 :

Lettre de Louvois à Saint-Mars du 12 mars 1680
Lettre de Louvois à Saint-Mars du 12 mars 1680

« A Soissons ce 12e mars 1680
J’ay receu vostre lettre du 24e du
mois passé avec le memoire
qui y estoit escrit de vostre
main du contenu auquel je vous
prie de ne point dire a Mr de
Lauzun que vous m’ayez fait
part,
L’intention du Roy n’est point
que vous payez a mons. foucquet
les gages de celuy de ses vallets
qui est mort,

M Louvois »

« L’intention du roi n’est point que vous payez à M. Fouquet les gages de celui de ses valets qui est mort ».

Fouquet n’a pas changé de valets depuis la mort de Champagne, il y a plus de cinq ans. J’en ai déduit que la santé d’Eustache Danger s’était dégradée et qu’il est ce valet mort mentionné par Louvois. Fouquet voulait se faire rembourser les gages dont il avait probablement fait l’avance en début d’année.

Ainsi s’explique qu’un mois plus tard, le 8 avril 1680, seul le valet la Rivière « n’ignore pas la plupart des choses importantes dont M. Fouquet avait connaissance. »

Dès lors tout devient clair. Les « Messieurs de la tour d’en bas » ne pouvaient pas être les deux valets de Fouquet puisque l’un n’était plus en vie le 8 avril 1680.

Nous savons maintenant que la lettre du 8 avril 1680 est mensongère et que les noms « d’Angers » et « la Rivière » n’y désignaient pas Eustache Danger et la Rivière, mais Fouquet et la Rivière. C’est ici que la graphie singulière « d’Angers » au lieu de « Danger » prend enfin son sens : en effet, Nicolas Fouquet était originaire de la ville d’Angers. L’un de ses ancêtres en a même été l’échevin !

La conclusion s’impose. Notre portrait-robot désignait Fouquet et la lettre du 8 avril 1680, une fois ses artifices mis au jour, désigne également Fouquet.

4) Trois pièces comptables du Trésor royal

Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est Jean-Christian Petitfils, le défendeur de la thèse adverse, qui m’a apporté une nouvelle preuve de ce que j’avance. Lisons son Masque de fer entre histoire et légende, page 47 :

« Les prisonniers figurant dans les comptes et la correspondance sous le nom de « Messieurs de la tour d’en bas » sont les DEUX anciens valets de Fouquet (…) Dans les comptes du Trésor royal, tenus par les scribes de Colbert, ces captifs apparaissent sous des appellations parfois déformées : « Messieurs de la tour d’en bas et UN valet », « La Tour d’en bas et UN valet », « La Tour d’aubas et SON valet ».

Comment Jean-Christian Petitfils a-t-il pu ne pas relever que ces documents contredisent formellement ce qu’il affirme quelques lignes plus haut ?

Un petit neveu de Saint-Mars, M. Formanoir de Palteau, écrira en juin 1768 que le nom que l’on donnait au prisonnier inconnu sur l’île Sainte-Marguerite était « La Tour ».

Quand la Rivière mourra à son tour, en 1687, Fouquet se retrouvera sans valet. Sur l’île Sainte-Marguerite, la seconde prison construite à côté de la sienne était prévue pour son futur valet. On sait, grâce à l’enquête de Jean-Pierre Papon, que Saint-Mars a connu bien des difficultés pour lui en trouver un.

5) Le mystère de la sépulture de Fouquet

Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que l’on n’ait pas retrouvé ni à Pignerol ni à l’église de la Visitation où il est censé être inhumé, la sépulture de Nicolas Fouquet. Diverses enquêtes menées au XIXe siècle pour essayer de la retrouver ont échoué.

En 1812, l’avocat italien Modeste Paroletti en rechercha des vestiges dans la citadelle de Pignerol. Aucune inscription ne figurait dans les registres des paroisses ou dans les actes du couvent de Sainte-Claire, où étaient généralement enterrés les prisonniers décédés de la citadelle.

Certains ont émis l’opinion que son corps reposait depuis 1681 au couvent des Visitandines de Paris. « Comme preuve, écrit l’historien Maurice Duvivier (Le Masque de fer, 1932, page 256), on cite un acte d’inhumation trouvé à la Bastille en 1789 et publié par Charpentier dans “La Bastille dévoilée”. Mais ce prétendu acte est une pièce sans valeur, on peut même dire un faux. « Charpentier ayant voulu comparer ce qu’il supposait une copie avec le registre mortuaire de la Visitation, la supérieure lui répondit que pareil registre n’y avait été tenu qu’à partir de 1737 ; (…) Une recherche directe a permis de constater que le cercueil du Surintendant n’est pas au caveau familial. »

Cette recherche est mentionnée par Jean-Christian Petitfils dans son Fouquet, page 513 :

« En 1868, Dubel, architecte de la ville de Paris et Gaultier de Claubry, de l’Académie de médecine, furent autorisés par la Préfecture à visiter le caveau de famille des Fouquet, dans la crypte de l’église de la Visitation, sous la chapelle de Saint-François-de-Sales. Ils y retrouvèrent le nom de sept membres de la famille sur les bières de bois couvertes de plomb : deux frères de Nicolas, François son père, ses deux épouses successives, Louise Fourché et Marie-Madeleine de Castille, et deux de ses fils, dont Louis-Nicolas, comte de Vaux. Celui de Nicolas Fouquet manquait. Non loin de là gisait un huitième cercueil, anonyme. Gaultier de Claubry l’ouvrit : « Il y trouva un corps décomposé malgré l’embaumement. Le crâne, scié dans sa région supérieure, fut prélevé et conservé par lui. Il a disparu depuis. »

Le médecin rédigea un mémoire sur ses « recherches relatives à l’époque et au lieu de la mort et de la sépulture du Surintendant Fouquet ». Ce mémoire a également disparu…

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