Lettre du 2 mars 1682 de LOUVOIS à Saint-Mars
« Comme il est important d’empêcher que les prisonniers qui sont à Exiles, que l’on nommait à Pignerol de la tour d’en bas n’aient aucun commerce, le Roi m’a ordonné de vous commander de les faire garder si sévèrement et de prendre de telles précautions que vous puissiez répondre à Sa Majesté qu’ils ne parleront à qui que ce soit, non seulement de dehors, mais même de la garnison d’Exiles ; je vous prie de me mander de temps en temps ce qui se passe à leur égard.
MLOUVOIS »
(Service Historique de l’Armée de Terre (Vincennes) – Série A1, vol.675 p.36)
Commentaire
Saint-Mars s’installe dans son nouveau gouvernement en octobre 1681 avec sa famille et sa compagnie franche qui l’a suivi pour assurer la protection du fort et la sureté des prisonniers. D’Angers et la Rivière, qui ne sont plus désignés que sous le nom de messieurs de la tour d’en bas, ont fait le voyage de Pignerol à Exilles dans une litière bâchée. Une prison leur a été aménagée à l’étage d’une tour accessible depuis les appartements de Saint-Mars. Celui-ci se consacre à ses nouvelles responsabilités. Le fort contrôle une zone frontalière. Des rencontres avec les fonctionnaires des pays voisins s’avèrent nécessaires pour arbitrer les conflits de voisinage. Louvois craint que son subordonné ne néglige sa mission de geôlier. Il lui interdit de s’éloigner d’Exilles plus d’une journée.
Saint-Mars est morose. Il avait vu juste quand il avait confié quelques mois plus tôt à son ami l’Abbé d’Estrades, ambassadeur de France à Turin :
« J’ai tous les ordres pour m’en aller dans cet exil-là quand je le jugerai à propos ; mais comme rien ne presse et qu’il me faudra établir en ce lieu-là pour y passer l’hiver avec toute ma famille et les ours, il me faudra du temps pour m’y accommoder tout le mieux que je pourrai. »
Le 28 décembre 1681, Saint-Mars n’y tient plus, il implore Louvois : « Laissez-moi aller à Casal ».
Le ministre tombe des nues. Casal, cette ville française de fraîche date, probablement remplie d’espions, est-ce un lieu pour garder en toute sûreté les anciens prisonniers de la tour d’en bas ?
La réponse du ministre est sèche :
« J’ai reçu votre lettre du 28 du mois passé. Vous ne savez ce qui vous est bon, quand vous demandez à changer le gouvernement d’Exilles contre le commandement du château de Casal qui ne vaudra que deux mille livres d’appointements. Ainsi je ne vous conseille pas d’y songer. »
Deux mille livres, au lieu de dix mille à Exilles ! Saint-Mars se résigne mais sa réaction a inquiété Louvois. Dans sa lettre du 2 mars 1682, le ministre lui rappelle donc que s’il est à Exilles, c’est avant tout pour veiller sur ses prisonniers.