Les thèses actuelles

Du XVIIe siècle à nos jours : une cinquantaine de thèses

Dès l’arrivée du Masque de fer sur l’île Sainte-Marguerite des rumeurs se sont répandues, le geôlier Saint-Mars ayant laissé entendre que son prisonnier était quelqu’un « que le public croyait mort ». On parla du duc de Beaufort, mort à Candy et dont le corps n’avait pas été retrouvé. Et d’Henri Cromwell. Puis le silence retomba sur le prisonnier emmuré dans sa cellule du Fort royal. La curiosité fut de nouveau éveillée à l’arrivée à la Bastille d’un prisonnier masqué que Saint-Mars avait eu sur l’île Sainte-Marguerite et à Pignerol et dont le nom ne se dit pas, d’après les registres mêmes de la célèbre prison d’État. À la cour chacun y alla de sa théorie. Il y eut des joutes oratoires. On en vint presque aux mains. Puis Voltaire informa l’Europe toute entière de l’existence de ce mystérieux prisonnier « que l’on n’appelle autrement que l’homme au masque de fer ». À la Révolution, l’affaire devint un symbole de l’arbitraire royal. L’accès aux Archives des ministres responsables du secret confirma que ce prisonnier faisait partie de ceux que Saint-Mars avait eus sous sa garde au donjon de Pignerol, près de Turin. Mais lequel ?

La correspondance officielle, les registres d’écrou et les relevés comptables livrent leur nom. Si l’on exclut les valets, ils sont six, pas un de plus.

Pourtant, il existe plus de cinquante hypothèses aujourd’hui sur l’identité du personnage ! Pourquoi ? Tout simplement parce l’un des prisonniers de Pignerol apparaît dans la correspondance sous le nom d’Eustache Danger et qu’il s’agit là d’un pseudonyme. Cela laisse place à toutes les suppositions.

La thèse Eustache Danger

Le premier historien à avoir imaginé Eustache Danger sous le masque de fer est l’Anglais Jules Lair en 1890. Depuis on ne compte plus le nombre des identités attribuées à Eustache Danger. Il augmente sans cesse. Citons en vrac le duc de Beaufort, Henry Cromwell, le comte de Vermandois, Molière, un frère jumeau de Louis XIV, un frère aîné de Louis XIV, le duc Henri de Guise et tout récemment d’Artagnan. Et bien d’autres personnages plus ou moins importants.

Aujourd’hui le doute n’est plus permis, Eustache Danger était un ancien valet. Beaucoup de lettres officielles le confirment, il était traité comme tel et il a d’ailleurs été mis au service d’un autre prisonnier de Saint-Mars, le surintendant Fouquet. Ce constat conduit à éliminer toutes les thèses présentant Eustache Danger comme un personnage d’importance.

Cela produit une véritable hécatombe et pose un problème. Comment expliquer, si le Masque de fer était un valet, qu’on ait demandé à Saint-Mars de laisser en 1681 tous les autres prisonniers de Pignerol à la garde d’un officier subalterne pour conduire celui-ci dans une autre forteresse et se consacrer exclusivement à sa garde, avec sa Compagnie franche ? Et ce pendant de longues années ! « On n’aurait pas dépensé tant, écrit Pagnol, pour un obscur individu qu’on eût pendu en cinq minutes avec une corde de 40 sous » !

Pour répondre à cette objection pertinente, l’historien Jean-Christian Petitfils a imaginé une ingénieuse théorie : le prisonnier de Sainte-Marguerite était bien le valet Eustache Danger auquel Saint-Mars aurait donné l’apparence d’un grand personnage pour s’attirer la considération de ses nouveaux administrés. Ce n’était qu’une comédie, une farce, conclut l’auteur.

Eustache Danger est-il le seul candidat possible au titre de masque de fer ? Les cinq autres prisonniers de Pignerol ont attiré l’attention des chercheurs. Ils se nomment Fouquet, Lauzun, Lapierre, Dubreuil, et Matthioli. Dubreuil modeste espion double et Lauzun qui fut libéré en 1681 et passa le reste de sa vie à la Cour du roi de France n’ont inspiré aucune hypothèse. Lapierre, modeste moine dominicain, n’a eu droit qu’à une voix. Les deux prisonniers de Pignerol qui, en dehors d’Eustache Danger, se sont partagé la vedette sont : Matthioli et Fouquet.

La thèse Matthioli

En 1770, le baron Hein émit l’hypothèse que le Masque de fer était le diplomate italien Matthioli qui avait trahi la confiance du roi en 1679 et le paya de son emprisonnement à vie. Beaucoup d’autres auteurs adhérèrent à cette thèse (Roux-Fazillac, Delort, Ellis, Chéruel, Henri Martin, Sainte-Beuve, Topin).

La découverte de plusieurs documents démontrant la présence de Matthioli à Pignerol au moment de la venue du Masque de fer à Sainte-Marguerite est à l’origine de l’abandon de cette thèse. Néanmoins il est possible que ce soit lui le prisonnier mort à la Bastille en 1703 et figurant sur le registre de décès sous le nom de Marchioli.

La thèse Fouquet

Le premier ouvrage suggérant que le surintendant Fouquet n’est pas mort à Pignerol, mais sur l’île Sainte-Marguerite en 1693, est « L’homme au masque de fer » paru en 1836 sous la signature de Paul Lacroix dit le Bibiophile Jacob, ami d’Alexandre Dumas. Cette thèse fut ensuite défendue par l’historien Charles Barthélémy en 1875, Pierre-Jacques Arrèse en 1969, Jean Markale en 1997 et l’historien de Pignerol Mauro Maria Perrot en 1998.

C’est également la thèse défendue par Claude Dabos, le propriétaire de ce site, depuis 2006 : lire son enquête.

Conclusion

Aujourd’hui seules deux hypothèses continuent de s’affronter :

– La thèse Eustache Danger

– La thèse Fouquet