Lettre du 27 janvier 1680 de Lauzun à Louvois
« Le 27 janvier 1680. Je vous proteste que je n’ai pas plus d’impatience de sortir de prison que je n’en ai que vous soyez promptement informé ce que j’ai à vous faire savoir mais il faut de nécessité que ce soit de bouche et que vous seul en soyez informé, sans que personne en puisse avoir connaissance. Il est de votre intérêt que cela se passe de la sorte ; (…) Je vous demande seulement que je puisse vous faire parler sans qu’on le puisse savoir par quelque personne en qui je prenne entière confiance. J’en aurai bien à ma soeur de Nogent et à mon frère le chevalier mais il me faut singulièrement Barail, lui seul le peut bien faire et il vous est important que ce soit lui, et je vous prie, monsieur, de vous y comporter avec affection et de vous faire une affaire de me l’envoyer car cela vous est de toute manière d’une conséquence au dessus de tout ce que vous avez pu imaginer. Je ne puis m’expliquer d’avantage et j’attends avec la dernière impatience que vous m’en donniez les moyens et que par là je me trouve en état de recevoir les marques de votre amitié. »
(Archives de la Bastille – recueillies par François Ravaisson)
Commentaire
Dans les premiers jours de janvier 1680, une brouille violente vient d’opposer Fouquet et Lauzun. La cour pressante que celui-ci fait à la jeune Marie-Madeleine, fille de Fouquet en visite au donjon, est sans doute à l’origine de cette altercation. Humilié dans son amour propre, Lauzun conçoit un plan diabolique.
De quoi s’agit-il ? De compromettre la libération de Fouquet en dénonçant la présence du passage secret dans son appartement, et de s’attirer du même coup la reconnaissance de Louvois en lui faisant miroiter l’impact que pourrait avoir sur la fortune et le train de vie de Louvois la révélation « de choses au-dessus de tout ce qu’il peut imaginer ».
Il s’agit probablement du grand secret dont Fouquet, découragé après sa vaine négociation avec Louvois, a dû révéler l’existence à Lauzun lors de leurs rencontres clandestines, afin que celui-ci, une fois libéré, puisse avertir le roi.
A l’époque, l’ennemi commun, c’était Louvois. Aujourd’hui les donnes ont changé. L’ennemi de Lauzun c’est Fouquet et l’allié possible, c’est Louvois. Il n’est plus question de l’intérêt du roi et de l’état.
Un pacte va être conclu. Mais comme rien n’est moins certain que Louvois, qui déteste et se méfie de Lauzun autant que de Fouquet, tiendra ses éventuels engagements, Lauzun insiste pour qu’une tierce personne intervienne dans la négociation.
L’homme de la situation c’est Barailh, un ami fidèle, bien considéré à la cour et qui de surcroit est un proche de Mademoiselle.